Féminisme – Les femmes gagnent moins les prix portant un nom d’homme

Une étude met en lumière l'écart homme femme dans les récompenses

Une étude a observé la relation entre le nom d’un prix ou d’une récompense, et le sexe du consacré, sur plus de deux siècles.

Katja Gehmlich, une chercheuse en cardiologie de l’Université de Birmingham et Stephan Krause, scientifique de la Terre et de l’environnement de la même université, entre 2020 et 2021, ont parcouru les dossiers accessibles au public dans leurs disciplines respectives, attribuant le sexe aux gagnants, si possible en utilisant les pronoms indiqués par l’individu ou l’organisation qui récompense.

Katja Gehmlich Ariel Paper 2022
Katja Gehmlich

Présentée et développée le 25 mai lors de l’AG de l’Union européenne des géosciences (EGU), en Autriche, à Vienne, a passé en revue 9000 lauréats à travers près de 350 prix. Ceci dans les domaines des Sciences de la Terre et de l’environnement, de la cardiologie, mais également les prix décernés par des organismes scientifiques à l’échelle nationale, au UK et aux USA. L’enquête remonte jusqu’au 18ème siècle.

Cette étude n’a cependant pas encore été publiée.

Moins de femmes pour les prix à nom d’homme

Le premier constat est que les femmes n’ont reçu qu’approximativement 15% de toutes ces récompenses. 

Une distinction nette en fonction des sexes

Pour les 214 prix analysés portant des noms d’hommes, les femmes ne sont titulaires que de 12% des « récompenses ». Tandis que les femmes ont été gagnantes 24% des fois, dans les 93 prix analysés qui ne portent le nom de personne (ni homme, ni femme).

« Une tendance qui était constante au fil du temps », explique dans l’article de Nature le scientifique Stefan Krause, qui a présenté la recherche lors de l’EGU.

« Les résultats suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien entre le nom d’un prix et qui le reçoit. Si les prix ne portent pas le nom d’une personne, l’équilibre entre les sexes dans les prix est mieux proportionné. »

Stefan Krause

Dans la continuité des éléments statistiques de cette étude, celle-ci a également montré que les femmes ont reçu 32% des douze prix « portant à la fois le nom d’un homme et d’une femme », et 47% des vingt-six prix qui ont eux le nom d’une femme. 

Mais le scientifique Stefan Krause prévient qu’il n’y a que peu de récompenses dans ces dernières catégories, et que ces prix ont aussi tendance à être plus récents, face à une étude qui remonte à plus de 200 ans, « de sorte que ces données ne peuvent pas être utilisées pour faire des généralisations »

« Les données montrent également que les femmes ont tendance à remporter une plus grande proportion de prix qui récompensent les services rendus à la science, tels que le mentorat ou la promotion de la diversité, que ceux axés sur les découvertes scientifiques.« 

Nature

L’analyse en image de ces écarts étudiés

Etude femmes prix hommes Ariel Paper 2022
Source : Nature

Ces résultats suggèrent que les différentes sociétés devraient reconsidérer la façon dont les prix sont nommés, surtout en tenant compte de l’importance de ces prix pour valoriser le profil d’un chercheur.

Une étude de 2021, publiée également dans Nature, avait révélé que, si la part des femmes dans les grands prix de recherche est en augmentation, la proportion reste largement inférieure à leur proportion de postes de professeurs. 

Les biais inconscients du patriarcat ?

De manière logique, plusieurs chercheurs ont suggéré des mécanismes pour ce lien entre les lauréats et les noms (masculins) des prix. Des biais, des préjugés inconscients pourraient influencer les jury des prix à sélectionner des lauréats qui ressemblent à la personne, au modèle dont le prix porte le nom, explique Johanna Stadmark, géologue à l’Université de Lund en Suède. 

« S’il y a un préjugé inconscient en jeu, que ce soit parmi les nominateurs ou le jury, les femmes sont susceptibles d’être désavantagées lorsque la plupart des prix portent le nom d’hommes. Ce sont des données très importantes et utiles à avoir. Ce n’est qu’avec des données que nous pouvons plaider la cause et amorcer un changement. »

Johanna Stadmark

Curt Rice, le président de l’Université des sciences de la vie à Oslo (Norvege) et notoirement défenseur de l’égalité des sexes dans le milieu universitaire, affirme quant à lui que les noms de prix pourraient amener les comités à penser aux hommes si un prix porte le nom d’un homme. 

Curt Rice égalite femme Ariel Paper 2022
Curt Rice

« Il serait important d’examiner les procédures de nomination et la composition des comités d’attribution avant de tirer des conclusions définitives. »

Curt Rice

« Les sociétés devraient publier des données anonymisées sur le genre, y compris les genres non binaires, ainsi que la race et l’origine ethnique des gagnants et des nominés », déclare Pallavi Anand, scientifique de la Terre et de l’environnement à l’Open University de Milton Keynes, qui a assisté à cette présentation de l’étude. 

pallavi anand Ariel Paper 2022
Pallavi Anand

« Ils devraient être plus ouverts à propos de leurs processus de récompenses et repenser complètement le nom des récompenses. »

Pallavi Anand

Enfin, pour Curt Rice :

« Corriger un déséquilibre parmi les lauréats devrait être beaucoup plus facile que de s’attaquer à d’autres problèmes à long terme, tels que l’équilibre entre les sexes parmi les professeurs titulaires. Les prix sont un excellent moyen de mettre des modèles sous les feux de la rampe, ce qui pourrait à son tour modifier l’équilibre entre les sexes dans le domaine »

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